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 rozam blog

13. Epilogue II

29 Juin 2010 , Rédigé par rozam

 


Ignorants des intenses spéculations qui se jouaient au dessus de leurs têtes, André et Oscar continuaient donc de s’affronter, immobiles. Oscar surtout qui jaugeait mentalement son manque de stratégie, à atteindre des niveaux d’amateurisme dramatique. Le vide. Le tigre ça elle avait, c’était bon, mais pour défendre son petit territoire d’indépendance elle n’avait pas grand-chose à se mettre sous le croc.
Alors tant pis ; engoncée dans sa veste jusqu’aux oreilles le jeune fille fonça droit devant, pile sous le regard verdoyant. Le désespoir vous fait faire n’importe quoi, elle s’en rendit compte sous la légère respiration caressant son visage. Elle était peut-être venue un peu trop près…peut-être même louchait-elle ? Aucune importance ! C’était une « fillette » de trop, une leçon intolérable pour son orgueil, et cette chaleur qui lui faisait dégouliner les mains. Tout ce désordre n’était pas tenable. Elle se planta donc la belle énervée, et fit fi de tout ceci.
Oui, fit fi.
 
- Très bien mon cher André. Vas-y !
- Que j’aille où…
- Cesse de te moquer ! Tu veux toujours avoir le dernier mot, montrer que tu as raison, et bien d’accord ! Je suis une petite fille très bête et batailleuse, et j’ignore tout du baiser. Alors, vas-y. Apprends-moi ! Je suis prête.
- Pardon ?
- Le baiser. Montre-moi les catégories, toutes les catégories, car tu les connais toutes non ? Evidemment, un garçon tel que toi, si intelligent et lascif ! Donc, embrasse-moi, j’attends.
- Oscar, ne me…
- Serait-ce une ride contrariée que je vois poindre là ? Allons, allons mon petit, l’aube est levée nous n’avons plus de temps à perdre ! Parce qu’il va falloir toute une journée pour me faire connaître toutes les sortes de baisers, non ? Mais si voyons : « le tendre, le mou, le discret, le pulpeux… » Aaaah parce que je suis si ignare, un désastre mon pauvre garçon ! Allons, un baiser André, tout de suite ! Commence. Et je te promets de prendre des notes, de détailler, de bien faire mes devoirs je te le garantie.
- A quoi joues-tu…
- Tu les entends crier dehors, ces autres idiots ? Ils ne pourront défoncer les grilles. Tu l’as dit toi-même, nous sommes seuls ici pour un temps indéterminé ! Et bien utilisons-le, que la bête assoiffée me montre enfin comment grimper aux lustres ! Je suis très intéressée. Pas besoin de se sauter dans les bras tout de suite, non, si ? Après le cinquantième, peut-être ? Oui, oui ça va être formidable, nous allons nous rouler sur le parquet comme des assoiffés, avec un peu d’entraînement nous pourrons même monter des marches. Quel bonheur ça va être ! Allez un baiser André, vite, je commence à trouver le temps long.
- Très drôle, Oscar.
- Drôle ? Mais nous ne sommes pas là pour rire, si ? S’embrasser demande une santé de fer alors je tends vaillamment mes petits muscles de fillette et j’attends : je suis prête, vas-y Bon Dieu ! lui cracha t-elle au visage.
 

Le n’importe quoi faisait son œuvre, à en être malade de désespoir. Elle ne savait même pas ce qui la poussait à agir, tétanisée par l’ultime angoisse : « que vais-je faire s’il obéit ? »
Si jamais il devinait le stratagème, s’il comprenait sa peur et ses doutes, s’en était fini d’elle. Sa raison fondrait en lambeaux, et sans transition elle mourrait sur place. Comme ça, dans ses bras… Qu’il l’embrasse, que cette bouche attirante effleure la sienne ou tout autre chose mais qu’il se penche, et elle était perdue. Mais il devait payer pour avoir toujours raison, il devait payer pour cette fichue beauté, pour ce « non » aussi, pour tout !
 

Interdit il parut la sonder et ne lut rien dans ses yeux, elle le devina ; cela aurait dû être délicieux. Elle en eut comme un goût d’amertume.
 
 
- Alors, où sont donc passées tes prétentions éducatives ? Tu voulais m’apprendre des choses, plein de choses intéressantes. Ou me donner des ordres, non vraiment pas ? Allez, je n’ai pas que ça à faire ; j’ai bien appris l’escrime et l’équitation en ta compagnie, pourquoi pas les catégories à présent. Ça ne doit pas être pire qu’une bonne bagarre un soir de taverne !
- Et oui après tout, pourquoi pas. D’accord Oscar. Comme tu veux.
 

Cette fois ça y était, elle était morte.
Parce qu’il n’avait pas été dupe. Ou plutôt lui renvoya cet air méchant qu’elle-même prenait et sans transition la saisit, elle était si proche. À la taille pour la comprimer vigoureusement contre ses hanches. Il ne cédait pas face à elle. Il lui retournait toutes ses armes, tous ses arguments, asséchait le marais glauque d’un tour de main. Maudit, maudit soit l’orgueil et le manque de stratégie, maudite soit sa propre stupidité ! Il lui rognait ses griffes, dévoilait ses crocs bien plus longs qu’elle n’en aurait jamais. Plus fort qu’elle ! Le seul…le seul à lui tenir tête de cette façon. Elle en eut la respiration coupée ; parce qu’il la serrait dans ce piège si physiquement redouté, contre lequel il cloua impunément ses pudeurs.
 

- C’est mieux comme cela, non ? lui jeta t-il au visage, saccadé. Par quoi vais-je commencer ? Le passionné, le brutal ? Le brutal évidemment, il va te plaire.
- Non ! A…arrête…

Il se penchait, elle recula sans même se rendre compte, estomaquée par l’audace infernale.

- Comment, tu te dérobes déjà ? Oh je comprends, pas assez intéressant pour le Capitaine de Jarjayes, hein ? Alors le violent, c’est bien celui-là tu vas voir : un baiser pour militaire. L’homme que tu es va adorer j’en suis sûr !
 
Elle cria, ses mains désespérée à la recherche d’une prise quelconque pour s’arracher de ce tumulte imprévisible. Mais il la tenait, avançait et se soudait si fort qu’ils chaviraient tous deux, pris dans la tourmente d’une danse ouvertement charnelle.
 

- An…André, lâche-moi ! Tu es fou, je…
- Qu’est-ce que la folie vient faire là-dedans, je t’apprends ! C’est ce que tu voulais n’est-ce pas ?! Allons reprenons, le violent n’a pas l’air de te tenter ? Tu veux plus ? De la sensation bestiale ? Ah mais là c’est autre chose, tu places la barre très haute Capitaine !
- Arrête !! Tu me fais mal, lâche-moi André !!
 

Une douleur fulgurante lacéra son dos et l’arrière de sa tête quand elle fut plaquée au mur. Elle vit trouble, son cerveau englué par la sensation physique que plus rien ne la protégerait, qu’il avait gagné ; le plus fort toujours. Que la lutte était finie, pire inutile. Alors Oscar ferma les yeux, crispa ses mâchoires et ses traits sous l’assaut fatal : un baiser. La chose la plus terrible qu’elle vivrait jamais.

De longues, trop longues secondes elle perçut les décharges tièdes sur son visage.
Trop longues : rien n’arrivait. Pas de terrible, pas de fatal, rien. Une perversion supplémentaire ? Attendait-il qu’elle supplie ? Les bras étaient toujours tout autour, et ce bassin incendiaire planté entre ses jambes. Oh, ce bassin…elle hurlait intérieurement de le sentir tendu vers elle, le rejetait, la sensation l’attirait, elle ne pensait qu’à ça. Son propre ventre se révulsait sous cette pression insoutenable, totalement incapable de s’en dégager.

Mais il ne se passait rien, rien du tout.
Par un suprême effort elle entrouvrit le coin d’un cil, devina une masse de cheveux et peut-être un regard réfugié sous l’arcade sourcilière. Qui l’observait. Et dont l’expression la glaça après d’autres très longues secondes : malheureux, brûlant de larmes ce regard, terrible et fâché. A la contempler contre ce mur, à la merci du corps masculin collé à elle.
 

- Elle te plait cette leçon, elle te plaît ? cria finalement André sans desserrer son étreinte lorsqu’elle eut ouvert totalement ses paupières. Tu veux continuer ? Cela te paraîtrait toujours aussi « intéressant » si je m’attaquais à ta vertu, moi le prétentieux domestique !

Et sans raison il la libéra, se dégagea d’elle avec brutalité pour presque lui hurler au visage :

- Tu n’écoutes que ce qui t’arranges, tu ne vois que ce que tu veux, comme toujours ! Tu as entendu mes reproches mais ceci, l’as-tu seulement compris : je t’aime Oscar ! Bordel de Dieu !
 
Et son poing s’abattit contre la cloison, près du visage de la jeune fille. Comme dégoûté de lui-même André fit quelques pas incertains.
 
- Décidément, toi non plus tu ne comprendras jamais rien…lâcha t-il, la voix cassée.
 
Il se détourna et sortit, ses pas furieux résonnant sur la dalle des couloirs.
 


Tout, sauf ça.




Elle aurait tout imaginé de lui, ses réactions, depuis tout à l’heure elle s’ingéniait à avoir un coup d’avance. Et elle se serait trompée ? Un immense sentiment de frustration étrange et extrêmement désagréable lui serra la gorge et lui piqua les yeux. Maladie d’amour…Oscar était en train d’attraper une grippe d’un genre vraiment très spécial, elle qui détestait toute mièvrerie autour des petits soucis du corps. Aucun laisser aller. Quand elle se sentait faible on appelait le docteur Lassonne, il lui donnait un sirop épouvantable et tout rentrait dans l’ordre. Une entaille, on recousait. Mais cela…

Elle se devina blanche comme un linge, le front moite, et cette mollesse…Oscar crispa sa main, ferma le poing sur les plis de sa veste à hauteur du ventre, brûlant à cet endroit. Là se passait quelque chose. Comme face au danger il se contractait et c’était désespérément agréable, pesant.
Elle eut vraiment honte.
 

Les bruits la guidèrent. Il s’était dirigé vers l’office évidemment, elle perçut le tintement rageur des casseroles, des ustensiles malmenés par sa main impatiente, force jurons aspergeant le tout.
Elle avait honte de sa petitesse d’âme soudain, elle qui se voulait immense, loyale, royale parmi le chaos de ses instincts. Un jeune tigre…D’une vanité si dérisoire soudain, tout s’effondrait.

Elle le regarda, de dos, s’agiter près des fourneaux comme s’ils dussent être punis eux aussi, jetant un objet lorsqu’il devenait inutile. Avec tout autour de lui un amoncellement de plats savoureux mais refroidis, les dindes, les rôtis, ces gâteaux de chocolat de Grand-Mère non loin. Et c’était si insolite, si absurde qu’il cuisinât cerné par tout cela, qu’inopinément Oscar ressentit la vraie solitude de ce jeune homme. Elle ne comprenait pas tout, peut-être rien de lui, mais cela elle le devina.
 


- Je suis désolée…murmura t-elle dans le fracas.
 


Il ne réagit pas. Evidemment. Elle se força à avancer, ses pas lui coûtaient sans raison claire.
 

- Je suis désolée !
 
Gestes suspendus il s’appuya contre le rebord de fonte, courba légèrement l’échine.
 
- Va-t’en.
- André, je…excuse-moi je…
- Mais bon sang de Dieu !
 
Il fit face, la renversa par cette même expression de peine et de colère.

- Tu viens t’excuser comme on le ferait d’une bourde ou d’une maladresse involontaire, mais sais-tu ce dont il s’agit ? Je te désire, Oscar ! Je te désire de manière incroyable, là, rien qu’à te deviner sous cette veste grotesque qui te couvre mieux qu’un sac de pommes de terre ! J’ai envie de toi, je…va-t’en Bon Dieu ! Je ne suis qu’un imbécile, tu avais raison. Je ne t’importunerais plus de toutes façons avec ces insanités.
 

Et il reprit ses tortures culinaires.
Oscar elle, se mordit la lèvre sous un sentiment pas vraiment agréable. Un peu indéterminé en fait : rongé par ce sentiment André lui apparaissait différent. Amoureux non, mais la désirant…elle en fut choquée, parce que curieusement cela lui plut. Plus que ses « je t’aime ». Cela s’accordait avec son malaise, l’inconfort de son corps, ses mains moites et sa vanité ; soudain il devenait comme elle. Faillible.
 

- Je n’ai jamais dit que tu étais un imbécile…

Il s’arrêta encore et soupira, excédé.

- Très bien. Tu ne l’as pas dit, tu viens faire amende honorable et c’est tout à ton honneur. Va mener ta vie comme bon te semble à présent, je suis ridicule n’est-ce pas avec mes leçons de morale. Une belle carrière t’attend au-delà de ces murs Oscar, tu porteras le nom de Jarjayes aussi haut que tu le souhaitais. Mais va-t’en.

- Pourquoi tu ne me regardes pas ?
- Bon sang mais quelle tête de mule ! explosa t-il, relevant la tête. Tu es… tu es décidément exaspérante ! Incapable de comprendre que…

Se retournant il eut la surprise de la voir là, front buté mais toute proche, ses yeux de ciel étonnamment attentifs à guetter les siens. Dans cette veste elle ressemblait à un colis de la malle-poste ficelé jusqu’aux oreilles, mais son air d’enfant farouche bousculait tout, en premier ses fureurs. Une gamine de dix-huit ans…« Pauvre idiot…une jeune femme de dix-huit ans, splendide oui... »

- Je ne te regarde pas parce que je cuisine…lui murmura t-il, contrarié.
- Et cuisiner t’empêche de regarder le monde ?
- Exactement.
 

De nouveau face à face. Elle avait trop bien réussi, à force de griffer et mordre il y avait des blessés…
- Je peux t’aider ? osa finalement Oscar, maladroite.
- Non.
 
Et il se remit à la tâche, comme pensant à autre chose.
La jeune fille était remarquablement mortifiée : l’amende honorable n’était pas son fort. Elle se trouvait brusquement face à une forteresse du nom d’André, et elle ne savait par quel côté le prendre. Elle l’avait meurtri. Du moins c’est ainsi qu’elle voyait les choses, et s’en voulait horriblement.
 

- Tu es très fâché ?
- Non.
- Alors regarde-moi au moins !
- Non.
- André…
 
C’était nouveau, cette douceur pour prononcer les deux syllabes. Une petite réminiscence de leur enfance…le garçon aux cerises avait grandi, il n’y fut pas sensible. Elle le comprenait bien sûr mais les picotements revinrent au fond de ses yeux. Il lui faudrait prendre beaucoup de sirop pour guérir…
 
- André, parle-moi au moins. Je suis désol…bon sang je ne sais pas comment faire ! Qu’est-ce que je dois faire pour que tu me pardonnes ?
- Ne nous lançons pas dans cette conversation veux-tu. Sors d’ici Oscar, cela vaudra mieux.
- Non !
 
Elle se saisit d’une poignée de navets qui traînaient et les lança au hasard à travers la pièce.
 
- J’en ai assez moi aussi !! cria t-elle, les yeux humides. Je ne cause que des catastrophes, je suis insupportable et égoïste, ma présence t’est odieuse apparemment ? Mais toi André, toi tu lances des boulets dans le cœur des gens en disant que tu les aimes ! Que tu les désires, et que suis-je censée faire avec ça moi ? Je ne sais rien de tout ça, je…je suis une idiote si c’est ce que tu veux entendre, et je ne connais rien des baisers c’est vrai ! Qu’est-ce qu’il faut que je fasse maintenant, pour me sentir un peu moins misérable quand tu me regardes ? Dis-moi ce que je dois faire André, dis-le moi !
 

Il se tourna d’un bloc, excédé vint la toiser comme s’il voulait la vriller au sol, la pulvériser de ses yeux d’orage à lui toucher le visage.
 
- Epluche-moi ça !
 
Oscar ouvrit la bouche…et détourna vite les yeux sous le geste péremptoire, là-bas.
Pour la première fois ne dit et obtempéra ; pas de cris, pas de grogne, peut-être un peu parce qu’elle le trouvait particulièrement joli garçon quand il était en colère ? Peut-être oui,  et beaucoup parce qu’elle était contrariée de l’admettre.
Et cette envie de pleurer, bon sang…Elle se planta devant cette autre armée de petits soldats au garde à vous, les toisa, malheureuse. Des pêches. Qu’elle devait donc éplucher : pourquoi André était-il si cruel ?
 
 


*****
 
 



Ah non mais vraiment, c’était un peu fort ! Le respect des aïeules se perdrait-il sous l’avancée furieuse de la modernisation des mœurs ? Siècle des Lumières, l’avènement des jeunes, aucune pitié pour les débris, marche ou crève c’est ça hein ? Marche ET crève oui !
 

Grand-Mère ne décolérait pas.
Occupée au fin fond de sa cuisine sans rien voir de ce qui se tramait à ce Bal un peu plus tôt, un gâte-sauce était venu la prévenir en catastrophe d’un évènement d’importance : André emmenait Oscar à l’église ! Traînait plutôt, mais elle ne l’apprit que beaucoup plus tard. Seigneur, Marie, Joseph ! Son petit et sa petite…mari et femme ?!

Il ne fallait pas manquer ça, Mordiou ! Dans la nuit noire elle s’était lancée à l’assaut des ruelles…et le cauchemar avait commencé. Car ce petit vaurien n’avait pas précisé de QUELLE église il s’agissait, l’aïeule de partir évidemment en sens inverse du point supposé. Conclusion : il faisait grand jour et en était à la sixième. Six prêtres complètement ahuris d’entendre qu’un André pouvait se marier à « un » Oscar. Et trop long d’expliquer que, par une émouvante nuit de Noël un Général avait subitement juré que sa sixième fille deviendrait etc, etc…

Il y avait donc déjà six églises où leur réputation était totalement grillée, inutile d’y remettre les pieds un jour. Pieds qui commençaient sérieusement à partir en compote d’ailleurs, on avait beau être vaillant chez les Grandier l’avant-dernière branche vivante en avait actuellement ras la besace. Jusque là même, des petits-enfants ! Les ingrats, les infâmes, incapables d’être venus la chercher pour qu’elle puisse inonder tranquillement son mouchoir de dentelles à l’échange des vœux. Les petits fumiers ! Alors qu’elle franchissait le parvis de la septième, des cris très peu dévots l’accueillirent au détour d’un pilier.
 

- Allez-vous me lâcher, espèce de cochon ?!
- RHAAAAAAAAAAAAAAAAAAA mais que vous êtes beau !!
- Mon père ! Si vous continuez de me tripoter je vais vous casser la gueule !!
- Cassez-moi tout ce que vous voulez, ouiiiiiiiiiiiiiiiii !!!
- MON PERE !!!
 

Le confessionnal paraissait possédé par Belzébuth, on s’agitait sous les rideaux pourpre à faire dépasser vaguement des bottes et une robe de bure, terminée par des sandalettes.
Bizarrement, Grand-Mère trouva quelque chose de familier à l’ensemble. Originale cette nouvelle mode de confession…Siècle des Lumières hein, ah vraiment ce qu’il ne fallait pas voir quand même !
 
- Heu…excusez-moi de vous déranger, pourriez-vous me…
 
Une tête hirsute blond cendré émergea des tissus, extraordinaire de virilité comme à chaque fois qu’elle surgissait de quelque part.
- Monsieur de Fersen ?
- Grand-Mère ?
- AXEEEEEEEEEEEEEELLLLLLLLLLLLL !!!
 

Le dernier brame de cerf en rut venait de l’arrière, à la totale exaspération du suédois qui abattit son poing à travers le rideau.
 
- AÏÏÏÏEEEEEEUHHH, MON AMOUR !!!!!
- Ne m’appelez plus comme ça ou je recommence !!
- OUI ! OUI ! Frappe-moi !!! Pénitennnnnnnnnce !!
 

Grand-Mère n’eut plus de doutes : ses petits-enfants étaient passés par-là.
 
- Monsieur de Fersen ! Où sont Oscar et André ? Sont-ils mariés, pourquoi personne n’est plus là, où…
- AXEL !!! Ton dos, ton corps, tes f… AÏÏÏÏÏEUUUUH !!
- Grand-Mère bon sang sauvez-moi, ce prêtre est devenu subitement fou, il…
- Mais André ! Oscar, où sont-ils ?
- Partis, je…MON PERE, RETIREZ VOS MAINS !! ET POSEZ CE CRUCIFIX !!!!
 
Fersen fut contraint de se relancer dans la bataille, des forces obscures agitaient décidément les rideaux.
 
Les petits fumiers (bis) !! Ils étaient donc rentrés à Jarjayes, mariés, sans même l’attendre ? Et qu’était-elle donc pour eux, un vieux trognon qu’on jette sans y penser le long d’une plinthe répandant ses pépins partout ? Ah c’était comme ça ! Maintenant que grâce à elle et ses petits plats ils pouvaient se vautrer dans la luxure en toute impunité, ils la délaissaient ! Foi de Bertrade, les choses n’allaient pas se passer comme ça. Fini les bons sentiments, fini la bonne Grand-Mère toute sage sous la charlotte pot de rillettes à la main patientant au coin du feu, à elle la crapulerie ancestrale ! Au piquet le grimoire de Maman Triquet, elle allait donner dans le contrepoison sans traîner ! Jarjayes allait redevenir cet univers impitoyable, où tout le monde hurle et tempête.

Laissant Fersen à ses prières musclées la vieille dame fila comme une flèche, tremblante de sainte indignation.
 
 


****
 
 

Très vite ce fut un désastre. Elle n’avait aucune expérience en la matière, ne pouvait que se laisser guider sous le pseudo instinct féminin : les pêches sont de petits êtres doux et fragiles, à manier de petits gestes doux et fragiles.
Sauf que chez Oscar l’instinct féminin se résumait souvent à trucider l’ennemi la première sous peine de se faire trucider. Il y avait quelques nuances bien sûr, elle n’appliquait pas cette règle à longueur de temps mais honteuse par sa récente attitude elle savait à peine ce qu’elle faisait : le jus de pêche coulait abondamment de ses mains qu’elle s’ingéniait à réduire en purée plutôt qu’à éplucher.

Elle savait que le but était d’enlever la peau mais rien à faire, c’était le carnage. Et elle avait envie de pleurer, cela devenait même de plus en plus difficile de se retenir.
 
- Oh non Oscar mais qu’est-ce que tu fais encore ! Il y en a partout, c’est immonde, c’est…
 
La voix sévère eut raison de sa résistance : elle baissa la tête, son menton commencer à trembler…

- Mon Dieu c’est le bouquet, tu pleures maintenant ?! Ah non mais tu m’auras tout fait, tout ! Quel foutoir, bon sang…C’est tout de même fantastique avec toi, cette manie de toujours tout saccager !
 

Elle ne se retint plus vraiment parce que dans la voix sévère c’était l’agacement qui dominait, elle se trouva horrible. Elle saccageait toujours tout oui, les pêches, leur amitié, les sentiments…
 
- Ho, Oscar…mais…tu pleures vraiment ?
 
Il lui enleva le couteau des mains et pris un torchon pour les essuyer. A peine si elle s’en rendit compte ; elle ferma les yeux, toute seule, perdue parmi sa peine.

- Oscar…qu’est-ce qui t’arrive…Ce ne sont que des pêches, arrête voyons.

Elle se fichait pas mal des pêches, ses nerfs la trahissaient juste un petit peu sans qu’elle veuille trop intervenir. Elle en avait assez, de tout, d’elle-même, de l’air mécontent d’André…elle aurait bien aimé retrouver son sourire, comme tout à l’heure. Qu’il lui dise, encore, « je te désire »…
 

- Lai…sse-moi, hoqueta t-elle d’une voix enrouée. Je sais que tu me détestes, va-t’en !
- Mais non. C’est ma réplique en plus. Et je n’ai jamais eu pour habitude de te laisser patauger dans les épluchures de fruits. Et puis…je n’aime pas te voir pleurer non plus. Ce n’est pas toi.
- Et pourquoi pas !! Parce que je suis un être froid, sans cœur, ignorante de tout je n’ai pas droit de pleurer ?
- Peuh, peuh, peuh, pauvre petite fille va…rit-il doucement en l’attirant contre lui.
 

Ce fut le signal d’un immense déluge, elle n’en pouvait plus. Réfugiée dans l’endroit exact où elle voulait être Oscar inonda tout ce qu’elle put, secouée de spasmes incontrôlables sans plus pouvoir s’arrêter. C’était chaud et follement sécurisant, elle noua aussitôt ses bras pour mieux venir tout mouiller. Sur la pointe des pieds elle enfouit son visage dans le large col de chemise. Merveilleuse cachette…un petit peu excitante aussi. Mais dans l’immédiat elle pleura toutes les larmes de son corps.
 

- Je suis un être horrible !! gémit-elle dans son cou.
- Oui, mais oui, bien sûr…la berça t-il.
- J’ai honte si tu savais !
- Je commence à en avoir une petite idée.
- André !! Je comprendrais si tu ne voulais plus jamais m’adresser la parole !
- Dans l’immédiat ça me semble difficile tu sais…
- Je ne suis qu’une misérable, n’est-ce pas ?
- Complètement. Allez, pleure…Et mouche-toi dans ma chemise, c’est ça.
 
C’est vrai qu’elle saccageait tout après tout…Au bout d’un moment Oscar vit l’état pitoyable du tissu sous elle, essaya maladroitement de lisser ce qui était devenu un chiffon trempé.
 

- Je suis désolée…ta belle chemise…
- Ce n’est pas grave. Et puis avec ta douceur habituelle tu es plutôt en train de me taper, Oscar.
- Oh…
 
Elle stoppa ses gestes et laissa sa main à plat sur le vallon accueillant des pectoraux. Son cœur sous sa paume, cela résonnait partout en elle. Elle laissa courir ses yeux sur l’ouverture du col, remonta jusqu’à la mâchoire où ses doigts timides suivirent.
 
- Tu piques, …et c’est doux en même temps…murmura t-elle comme dans un rêve, reniflant bruyamment.
- Oui, c’est une de mes plus grandes qualités. Ça va mieux ?
- Non.
- Alors je te garde encore un peu contre moi, c’est ça ?

Chacun reprit ses activités, elle à pleurer lui à la consoler, il parlait dans ses cheveux et cela brûlait à chaque mot. Elle n’entendait absolument rien. Mais c’était agréable. Juste un peu…
Surprenant, sa barbe à peine visible et le contour de son visage, les mèches de cheveux, la chemise trempée réconfortante. Ses bras…c’était bien, ses bras. Très bien. Ça vous enveloppait en serrant un peu trop, ça donnait chaud. Sa peau aussi l’attirait, elle était brûlante vers son cou. Elle aurait voulu la respirer mais son nez était bouché. Ses mains s’accrochèrent à ses épaules pour se laisser aller plus près.

- Tu me détestes n’est-ce pas, tu me détestes ? hulula t-elle, reniflant à fendre l’âme.
- Mais non…
- Tu avais raison André, je suis un monstre !
- Ah bon, j’ai dit ça moi ?
- Non mais…tu le penses !
- Ah…très bien : nous allons maintenant entrer dans la phase d’introspection psychologique de notre relation, et nous lancer comme des sauvages dans l’univers du non-verbal, du non-formulé, et plus périlleux encore, du non-pensé. Cela devient intéressant…Donc, à mes yeux tu es un monstre. Et moi, que suis-je pour toi ? Oh attends, suis-je bête. Tu ne peux pas me le dire, il faut que je devine ce que tu n’as pas pensé bien sûr ! Alors, voyons…Un butor ? Un rustre ? Ah non, ça tu me l’as dit de nombreuses fois. Un prétentieux ? Et non, toujours pas. Mmmh, pas facile…Un insupportable, un manant, un gueux, un…
- Je te demande pardon…
 

Elle se sentait misérable, avec sincérité ses beaux yeux tout rougis le lui dire. Il la moquait de tendresse mais elle devinait tout de même sa part de vraie souffrance, à voir grandir en lui un sentiment qui ne l’avait pas rendu heureux. Elle reprit son poste d’observation où on ne voyait rien, dans son cou. Il comprenait, lui, sa sincérité. Pas besoin qu’elle s’excuse des lustres non plus…
 
Elle se calma un peu. Elle avait nettement plus chaud. Et ses bras…Les épaules étaient vraiment bien également, fermes, dures. Oscar en apprécia les contours, ses mains glissèrent sur elles. Et son nez se débouchait.


- André…je peux te demander quelque chose ? hasarda t-elle après de longues secondes.
- Mmhh…
- Qu’est-ce que ça fait quand on est amoureux ? Je veux dire…qu’est-ce qu’il faut faire, comment doit-on s’y prendre ?
- Exactement comme nous, en se défonçant la figure.
- Non, sérieusement, dis-moi !
- Parce que tu crois qu’il existe un manuel ? rit-il. Mademoiselle de Scudéry a bien écrit « La carte du Tendre » pour s’y retrouver en la matière mais je te préviens, c’est d’une niaiserie à pleurer. Ce qui ne serait pas pour me déplaire, comme ça j’aurais un prétexte pour te reprendre dans mes bras. C’est bien la première fois que je te vois sangloter ainsi…s’il me faut attendre encore dix-huit autres années autant te mettre sous les yeux des lectures insipides le plus souvent possible.
 
Elle décolla sa joue, sans trop oser le regarder.
 

- Tu…tu ne serais peut-être pas toujours obligé d’attendre que je pleure ?
- Comment ça…
- Tu pourrais…me faire tes lectures insipides et même si je ne pleure pas après, tu viendrais tout de même me réconforter. Juste un peu…Parce que je déteste les niaiseries, et cela me perturbera certainement…
- Ah, je vois oui. Mais je ne sais pas si l’idée serait si bonne que cela.
- Pourquoi ? gémit-elle en se dégageant plus, lui dédiant enfin un regard bouleversé et suppliant. Parce que tu ne veux pas me pardonner n’est-ce pas, jamais ?
- Ce n’est pas ça…simplement si cela se passe comme maintenant je ne serais pas sûr de maintenir très longtemps la pureté du réconfort : Oscar, depuis une minute tes mains sont sur mes fesses.
- Que…
 

La jeune fille rougit sur cette nouvelle réalité. Des épaules elle était insidieusement passée au dos puis avait trouvé seule un endroit où se reposer sans plus y songer. Ne dit-on pas « aux innocents les mains pleines » ? Ce qu’elle tenait était comme les épaules, fermes et dures, ça lui plaisait beaucoup. En fait énormément de choses semblaient dures chez André, elle se sentait un intérêt nouveau à toucher cette carrure, si différente de la sienne. Ses dernières larmes charriaient sa peine et définitivement l’emportait, elle n’avait pas d’autre conscience. Le monde s’arrêtait aux bras qui l’entouraient.

- Excuse-moi André, je ne voulais pas faire…ça…
 
Sourcils froncés, Oscar retomba prunelle la première dans le col ouvert puisqu’elle ne savait où regarder, vit la peau apparaître de manière régulière. Comme dans un brouillard il lui semblait se perdre dans ses contemplations avec toujours le besoin irrésistible d’en toucher la réalité. Ses mains quittèrent les régions dures pour revenir contre la taille, poussées par l’enfant avide de découvertes qui germait elles se posèrent sur le torse ; sur ce petit bouton de nacre enclosant la chemise plus précisément. Elle le toucha, le taquina du bout de l’ongle, l’impudent minuscule.
 
- Et Mademoiselle de Scudéry, de quelle façon s’y prend t-elle pour expliquer l’amour ? murmura t-elle reniflant plus légèrement, absente, la tête sagement posée contre lui. Peut-être y a-t-il finalement beaucoup à apprendre de ses niaiseries…peut-être devrais-je les lire, pour enfin sortir de mon ignorance…
- Je ne crois pas. C’est une carte vois-tu qui ne se déchiffre pas exactement comme celle d’un état-major, pour un militaire cela présente un intérêt limité je t’assure.
 
Le petit bouton était devenu démesuré, elle ne pensait plus qu’à lui. Si elle l’écartait de sa route, comme ça, pour voir…
 
- Oui mais…une misérable fillette comme moi, cela pourrait être de quelques secours…cela m’apprendrait à ne pas faire de la peine aux gens qui m’entourent, ni mouiller leurs chemises…
- Certes. Mais en contrepartie cela risque de te transformer en un être spongieux et sentimen…tal.
 

Le petit bouton venait de céder, très timidement, avec des précautions d’orfèvre.
Ses mains n’étaient plus moites, la texture sensuelle les réchauffait ; et malgré l’imperceptible sursaut d’André elle resta là. Son cœur, sous ses doigts… C’était comme animal, qui cognait sa paume sans se laisser apprivoiser.
 

- Ce n’est peut-être pas un tort d’être sentimental après tout, tu avais raison. Le micro-climat…
- Mais nous ne somme plus à l’église. Ça n’est utile que là-bas.

Ses yeux la brûlaient parce que l’ouverture attisait l’amplitude de la respiration, la peau masculine émergeait de plus en plus, libérée.
Elle ne faisait rien de mal après tout... Juste regarder, ce n’était pas un crime. Mais il est bien connu qu’on ne voit jamais mieux qu’en touchant, délicate elle repoussa un peu plus de tissu. Elle admira la pointe dure soudain découverte, en une sorte de curiosité fiévreuse qui faisait un peu mal…Dégagea complètement le haut du torse gauche, puis l’autre versant du col, la mine terriblement concentrée. Il fallait qu’elle comprenne, découvrir pourquoi ces méplats la bouleversaient. La tension des muscles comme l’harmonie des forces. Ses mains s’aplanir doucement sur le poitrail, effleurèrent les courbes dures. S’approprier cet homme. Elle raffolait de la fermeté d’âme habituellement, découvrait chez André la fermeté du corps. C’était du plus haut intérêt. Et puis c’était un peu de sa faute aussi, il ne bougeait de rien, la laissait faire. Oui, en vérité c’était totalement de sa faute.
 

- Ta…chemise est toute mouillée, ce n’est pas très confortable…
 
En toute sincérité elle se fichait éperdument du confort, l’ouverture élargie révélait de ces choses qui relativisent soudain le simple bien-être vestimentaire. Comme un fait naturel elle décida qu’André serait mieux sans.
 
- Tu…tu pourrais attraper froid…

D’une logique imparable.
Oscar agrippa la chemise et tira les plis de la ceinture, maladroite sous ce geste peu coutumier. Elle découvrit un ventre qui mit ses joues au supplice, ses poings crispés sur le tissu relevé.
 

- Oscar…Oscar il me faut te dire que Mademoiselle de Scudéry n’a absolument pas prévu ce que tu es en train de faire…
 
Elle entendit sa voix sans rien en comprendre de significations. Prise uniquement dans les méandres de ses sensations propres elle avança sa main.
Qui suivit le tracé des muscles abdominaux, follement durs bien entendu. La carte du Tendre devait peut-être ressemblait à ça. Celles des d’états-majors perdaient brusquement tout prestige, c’était certain. Regarder cette poitrine large repousser le tissu à chaque inspiration et le ventre surtout dessiner une vie interne dont elle ignorait tout…extraordinairement intéressant.
 
 
- Et si tu l’enlevais cette chemise toute mouillée pour me consoler encore un peu ? Juste un peu, très peu. Ce serait vraiment plus confortable je t’assure…pour toi, évidemment.
- Evidemment.
 

Il fit passer la chemise par-dessus tête et ramena au passage les mèches du catogan sur son épaule, puissance opposée à la souplesse, elle en fut stupéfaite. Sa main palpa les longs cheveux épais, l’autre étreignit le sein robuste et l’épaule. Elle se mordit la lèvre, terriblement intriguée. Elle devait saisir l’origine de cette chaleur qu’il communiquait, elle n’y comprenait rien du tout.
 
Et Oscar détestait ne rien comprendre du tout.
Elle leva brièvement les yeux sur son visage ; il était terrible de charme, tout de même. Intimidant. Se nicher dans son cou lui parut un bon compromis, la cachette n’était décidément pas mauvaise pour venir réfléchir aux mystères universels.
 

- J’ignorais que les pêches te faisaient de tels effets… observa t-il alors qu’elle renouait étroitement les bras sur un monde de dures félicités. D’habitude ce sont les oignons qui font pleurer.
- Je…je n’aime pas ce qui est sucré et juteux, chuchota t-elle la joue sur sa peau nue.
- C’est nouveau.
- Heu…c’est que…je n’avais jamais eu l’occasion de te dire à quel point je déteste ce fruit, c’est tout…
- Effectivement, je constate que tu as l’air vraiment traumatisée.


Elle sourit toute seule et ferma les yeux sous le parfum parfaitement présent depuis que son nez était dégagé. Totalement incompréhensible. André était une source d’étude inépuisable puisque sans chemise, sa capacité de réconfort augmentait vers des sphères assez vertigineuses. Ayant lu Pythagore elle en conclut que cela devait être inversement proportionnel à la présence des vêtements sur lui. Il fallait creuser le sujet.
 
- Et ta Mademoiselle de Scudéry, parle t-elle des catégories ? reprit-elle après un silence délicieux de spéculations mathématiques.
- Des quoi ?
- Des cat…des baisers. En lisant sa carte, puis-je espérer en apprendre un peu plus là-dessus ?
- Définitivement pas…Oscar, es-tu sûre d’aller bien ?
- Non, pas du tout. Je suis encore très malheureuse, c'est mal ? sourit-elle d’aise en un soupir épanoui.
- Je ne sais trop…je m’étonne simplement : je ne me doutais pas à quel point mon postérieur pouvait te procurer de consolations.
 


Ayant reconquis un chemin connu ses mains étaient en effet parties en pleine phase d’expérimentation, au creux de ses reins elles tentaient tout simplement de repousser sournoisement le tissu des culottes pour connaître ce nouveau potentiel bienfaisant.
Ce n’était pas de sa faute après tout, c’était ce corps. Elle osait tout, voulait trop à cause de lui.
On s’y sentait tellement bien appuyée ainsi…Le dos massif était également d’un excellent réconfort, musculeux, réactif…alors non, on ne pouvait pas dire que c’était de sa faute si ses mains allèrent un peu sur l’omoplate puis sa taille, étreignit le tout comme on prendrait d’une écorce d’arbre sa rugosité. Sauf qu’André avait la rugosité très charnelle ; une autre de ses particularités étonnantes.
 

- Oscar, Oscar je te l’ai dit …la pureté du réconfort me semble devenir de plus en plus relative, tu ne crois pas ?
 
Elle l’écouta tandis que son souffle à elle montait, montait par saccades.

- Non…oui, peut-être…balbutia t-elle comme une bienheureuse : à force de tentatives le haut de chausse cédait peu à peu, puis se baissa pour sous ses paumes révéler enfin la dureté lisse d’un cul positivement prodigieux. L’évidence explosa dans toutes ses terminaisons nerveuses d’un seul coup : sans vêtement André consolait extrêmement bien. Un peu trop même. Lentement Oscar se mit à frôler ces chairs fermes et excitantes, et eut soudain très chaud.
 

- Je…André je crois que je vais m’évanouir, murmura t-elle très concernée, le souffle court.
- Je serais tenté de dire « moi aussi » mais ce serait dommage : la suite risque de devenir un peu moins psychologique alors je tiens à être là.
- Qu…la suite, quelle suite ?
- Celle que tu caresses en ce moment, celle-ci également.
 

Oscar sentit une main dégrafer le premier bouton de son col-armure.
Aussi étrange que cela puisse paraître Oscar n’avait jamais envisagé un instant la réciprocité, elle en fut très déstabilisée.


- An…an…André, je dois te dire : je console très mal les gens, je…
- Oui je sais, tu n’as pas lu la carte du Tendre, ce n’est pas très grave on fera sans…la rassura t-il en faisant sauter délicatement le deuxième.
- Oui, mais non. Enfin, ce n’est pas ça. Toi vois-tu, tu es plein de muscles, tu peux regarder une pêche sans pleurer et quand tu enlèves ta chemise, on voit tout de suite tes qualités. Mais moi je…
- Alors cesse de jouer avec mes fesses, après peut-être pourrais-je arrêter de faire ça…
 

La respiration d’Oscar commença à devenir plus une tentative qu’une façon naturelle de rester en vie après le troisième, puis le quatrième bouton ouvert.
 

- Ah, oui, d’accord, oui je vois ce que tu veux dire, s’embrouilla t-elle sous la vague sensorielle qui pointait son nez dans différente région de son corps. Oui, mais non mais en fait ce que j’étais en train de faire n’a rien à voir avec ce…avec le…
- Avec quoi…susurra t-il un cinquième bouton sous ses doigts.
- Heu…avec…avec le fait que, enfin…bref, ça n’a même aucun rapport ouh lala, c’est…
- Très bien, donc arrête de me caresser.
- Non mais oui, techniquement tu as raison de dire « caresse » je te comprends, de prime abord comme cela on pourrait confondre, mais à y regarder de plus…près…c’est…c’est…
- Oui ?
- …c’est…
 

Oscar se dégagea enfin pour regarder, un peu hébétée, l’invasion d’une main sûre contre les bandages de momie.

- Oui ?


Elle releva la tête, constata qu’il la considérait d’un œil parfaitement attentif et désirable.

- Qu…qu…qu’est-ce que je disais ? balbutia t-elle.
- La valeur technique du mot « caresse ».
- Ah oui…donc, je disais…que…


Un détail soudain la divertit de son propre discours qu’elle avait depuis longtemps déserté d’ailleurs, une conséquence en fait : ses propres hauts de chausse se dégrafaient, en un cumul d’attaque d’une habileté tout à fait diabolique. « Ô vêtement, tomberais-tu bien bas pour traîtreusement révéler l’intime ? Infâme délateur, vil mécréant reprends-toi pour vaillamment reconquérir les cimes du devoir, avant de commettre l’irréparable et tomber tout à fait à mes…pieds »
Oui, très bien, aucune tragédie antique ne contenait ce passage, mais C’ETAIT la totale tragédie ! Une merveilleuse tragédie…captivante…sensuelle…Oscar s’arrêta de vivre, un brasier dans les yeux.
Elle aurait dû apprendre à se méfier pourtant, depuis toutes ces années passées à ses côtés elle savait qu’il était particulièrement doué pour coordonner ses gestes dans n’importe quelles circonstances.
 


- André…An…dré cette fois je te jure que je suis en train de m’évanouir…dit-elle d’une voix mourante sentant à la fois les derniers vestiges de lin la quitter et son pantalon blanc s’ouvrir.
- Je sais. Moi aussi, exhala t-il faisant tomber la veste de ses épaules et l’attirer à lui.
- Qu…qu’est-ce qui se passe…Qu’est-ce que tu fais, tu…
- Je nous soutiens, nous nous évanouissons…conclut-il d’une voix enrouée l’accolant à la table pour la ployer, lentement, sous la pression de ses hanches. Il l’allongea complètement et c’était évident qu’elle mourrait : ce corps se fondit sur le sien comme la chose la plus essentielle et simple sur cette terre, une communion. Oscar se sentit partir, définitivement prise dans les filets d’un désir ravageur et les bouts de marmelade maculant toute la table.
 

- Ce…ce n’est vraiment pas une bonne idée…gémit-elle tandis que ses pantalons s’ouvraient plus, glissaient sur ses hanches de manière décidément très très aérée. C’était mieux quand nous nous battions, quand je te détestais…
En tâtonnant elle chercha le nœud de ses cheveux et les libéra, accrocha ses ongles contre son épaule.

- Alors déteste-moi toujours…l’excita t-il d’un souffle, au dessus de son visage.
- J’essaie…j’essaie…mais tu ne m’aides pas…
Elle perçut son rire voilé, à quelques millimètres de sa bouche, à peine…


- Non, c’est vrai. Et ça ne risque pas de s’arranger. Parce que là, tout de suite Oscar, je vais te faire l’amour. Et je vais t’embrasser. Vraiment t’embrasser. Et il te faudra effectivement une santé de fer pour affronter l’attaque parce qu’il me semble bien que ce soit le passionné que je vais te donner en premier. Parce que je suis sans pitié. Je dois bien te punir pour ton insupportable caractère non ? Alors attention à toi mon amour. Je vais être dur…mais tu vas adorer, acheva t-il en guidant sa main vers ses hanches.
 

Il écrasa son sourire sur ses lèvres et pesa sur elles, d’une sensualité à faire frémir ; but son cri  lorsqu’elle le toucha au plus intime, au plus vrai de sa nature d’homme et l’embrassa, sans plus pouvoir s’arrêter, les doigts emmêlés dans ses cheveux blonds.
 

- Touche-moi, caresse-moi Oscar…puisque je suis à toi…
 

Il reprit sa bouche, une seconde éloigné était toujours de trop, se gorgea de ses gémissements savoureux à s’étourdir. Et ses doigts incendiaires, sur son sexe…il fallait qu’elle connaisse cette sensation.
Oscar quémanda bientôt l’oxygène, le ciel de ses yeux démesurément écarquillé quand d’autres lèvres s’entrouvrirent, délicates…
 
- An…dré ! cria t-elle, violemment cambrée par d’invisibles caresses. Tu vas…me…
Le nom de son amant déchira sa gorge par l’orgasme arraché, comme une conquête.
 
Son sein nu cogna la poitrine masculine un long moment.
 

- Encore, encore…hacha t-elle avec peine, au bord de l’inconscience. Dis-moi encore que tu me désires, dis-le…
 

Son sourire sur sa peau, Oscar sut très précisément qu’il deviendrait une drogue tout autant que ces mots érotiques, murmurés dans le secret de leurs mèches enlacées. Puis il s’attarda dans son cou. Un long moment.
 

- Qu’est-ce que tu fais…
- J’embrasse tes grains de beauté.
- J’en ai tant que ça ?
- Tu en es couverte, une vraie coccinelle…
 
La métaphore botanique, encore ! On savait où ça menait. Elle soupira d’aise sous ce mensonge champêtre.
 

- Oscar, mon amour…ajouta t-il tout au creux de son oreille, je vais prendre ta virginité. Je vais te faire souffrir une dernière fois…
- Un mal…pour un bien ? sourit Oscar, les yeux clos.
- Oui. Mais pas maintenant…
- Qu..quoi ?
Il effleura sa bouche irrésistible et délicieusement balbutiante.
- Pas ici, pas sur cette table de cuisine…
- André je me moque de l’endroit…viens !
- Moi aussi je me moque de l’endroit, ce n’est pas ça…Oscar, tu n’as pas comme l’impression d’être observée ?

Elle mit quelques secondes supplémentaires pour répondre, il caressait sa poitrine ; elle acquiesça tout de même.


- Si…oui…c’est étrange…
 


André et Oscar se regardèrent puis lentement tournèrent la tête, et par la suprême conscience qu’apporte l’amour physique ouvrant les chakras, virent enfin les centaines de paires d’yeux des lecteurs braqués sur eux, occupés à ne rien perdre de leurs ébats. Loin de se troubler, André reprit très vite ses mouvements sensuels.
 


- André ! André arrête…pas devant tout le monde ! Tu…tu les as vu ?
- Oui.
- Mais…mais…
- Mmmh…n’est-ce pas un petit peu excitant de faire ça en public…susurra t-il en animant ses hanches.
- André !!! Tu n’as pas honte ! Qu…qu’est-ce que nous allons faire…
- Continuer…
- Quoi ?!!!
- Continuer de donner du rêve aux lecteurs par notre amour scandaleusement parfait et heureux.
- Notre amour…
- Oui, que nous allons vivre encore et encore, jour après jour...à nous sourire, nous embrasser et nous masturber, le tout énormément.
- ANDRE !! Tu es INTENABLE !! Ce ne sont pas des choses à dire !!
- Quoi…protesta t-il, les lectrices adorent quand je fais mon mauvais garçon…
 


Oscar ne trouva plus grand-chose à répliquer si ce n’est un « moi aussi » hors de saison. La jouissance devenait telle de toute façon qu’il était difficile de maintenir la discussion à ce niveau élevé d’argumentation. Elle jeta néanmoins un regard noir par-dessus l’épaule délicieusement musclée.
 
- Alors cela veut dire…cela veut dire qu’elles profitent en ce moment de la vue de tes fesses nues…
- Sans doute. Ne sois pas fâchée : le reste est entièrement pour toi. En toi, même, dans quelques secondes…
- ANDRE !! TAIS-TOI bon sang !!!
- Pourquoi, il faut bien éduquer les masses pensantes.
- Mais non ! Je…tu…
- Il, Elle, oui, c’est nous…J’aime ce discours Oscar.
- Arrête de te moquer, je déteste quand tu fais ça ! Et ne bouge plus, ne…oh !
 


André avait bougé.
Il n’avait pas tort, elle adorait.
 
 

*****
 
 


Le soleil eut la bonne idée de renseigner Grand-Mère, sur le chemin du retour : Déjà midi ?! L’heure du déjeuner. L’heure du crime, oui ! Ah, quelle barbarie elle allait lancer, quelle plaisir de donner dans la canaille !! Oscar et André avaient eu la vie bien trop facile jusqu’à maintenant.
Privée de mariage…elle allait faire autrement que de les priver de dessert ces deux-là !

En vue de Jarjayes, une gigantesque marée humaine l’épouvanta. Mon Dieu, un malheur était arrivé, qu’est-ce qu…
Une jeune pâquerette la renseigna, une fêtarde des derniers rangs qui en quelques mots détruisit son secret espoir : alors ils n’étaient PAS mariés ces vauriens ?!! Mais c’était encore pire que tout !! Mordiou, elle allait définitivement les occire, en fricassé les deux non-tourtereaux !

Laissant la populace à on ne savait trop quelle occupation, la vaillante aïeule contourna les hauts murs et passa par la petite porte de côté à l’aide d’un pot de fleur. Enfin la clé, cachée dans un pot de fleur.
Puis arrivée dans le hall fut guidée vers les cuisines, par des bruits vraiment très étranges. A pas de loup elle entra…et découvrit André s’activant devant la table à dresser un plateau, seul, sifflotant comme un pinson.
 

Elle allait lui dire sa façon de voir l’avenir lorsqu’il se détourna pour saisir un broc de chocolat chaud.

Les prunelles myosotis faillirent jaillir de leur orbite.
 

A part un tablier André ne portait rien du tout.
Nu et parfaitement à l’aise, même lorsqu’il la découvrit pétrifiée sur le seuil.
 

- Tiens, bonjour Grand-Mère ! J’ai des tonnes de choses à te raconter mais dans l’immédiat tu vas devoir m’excuser, je monte porter son petit-déjeuner à Oscar. Et tu la connais quand ça tarde de trop…
- Mais…An…tu…
- Oui, je sais ce que tu vas dire, il est midi passé…mais la pauvre n’a, disons…pas beaucoup dormi ces dernières heures, sourit-il d’un air entendu.
 

Il embarqua le tout et s’éloignant, offrit une dernière fois un vue somptueuse aux lectrices.
 

- Ah, au fait Grand-Mère j’oubliais : le Grimoire de ton aïeule est très instructif, vraiment.
- Quoi…tu…tu l’as trouvé…tu…
- Oui, par hasard, tout à l’heure en cherchant le chocolat…J’ai suivi à la lettre une recette pour lui préparer son breuvage favori.

Il huma le broc destiné à Oscar avec une trouble délectation, puis fit un petit clin d’œil par-dessus son épaule.


- …ça aussi, je sens qu’elle va adorer…
 

Un énorme boum fracassa la cuisine après la sortie d’André : Grand-Mère venait de tomber dans les pommes, le sourire jusque là…





VRAIE FIN
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A
10/10 ^_____^<br /> <br /> ma préférée avec Masques, je l'ai lu je sais pas combien de fois ! Quand j'ai pas le moral je viens sur ton blog et je lis cette fic, à chaque fois je suis pliée. MERCI ROZAM
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R
<br /> <br /> Oh, c'est gentil ça, j'ose toujours pas la relire cette fic tant y'a de défaut mais je l'aime bien quand même aussi hihi Et puis j'aime bien sa fonction, de remontage de moral : c'est souvent ma propre intention d'écriture d'ailleurs ;) Bises !<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> Je t'ai dit que j'adorais cette fic ? Une centaine de fois... seulement ? Bon, j'adore cette fic. Encore. Et encore. Et encore.<br /> <br /> <br />
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R
<br /> <br /> Merci ! parfois ça pédale un peu dans le potage mais franchement, je m'étais bien amusée à la faire, celle-ci... kiss<br /> <br /> <br /> <br />