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 rozam blog

Chapitre 6. Débuts difficiles

30 Juin 2010 , Rédigé par rozam



_ « Alors ça, il n’en est pas question !! »


D’un bloc Oscar se dressa, hors d’elle.
_ « Comte de Broglie ! je refuse catégoriquement de travailler avec cet homme ! Il est hors de question, vous m’entendez, hors de question que j’accepte de mener l’enquête en compagnie de cet espèce de…de… » Elle s’étouffait de rage et ne trouvait plus ses mots, ce mot plutôt qui crucifierait sur place l’odieux personnage du bal de l’Opéra.

Elle n’eut cependant pas cette joie car ce dernier la relaya sans attendre d’une fureur au moins égale à la sienne.

_ « Ce jeune insolent a raison ! » laissa t-il tomber, méprisant. « Enfin , soyons sérieux ! Vous croyez vraiment que ce petit coq me sera d’une quelconque utilité ? Ce paquet de nerfs, qui passe son temps à écumer les bals et provoquer des duels par ses fanfaronnades ? »

Un cri de rage lui répondit.
_ « Fanfaronnade ?!! » hurla la jeune fille. « Oh vous allez me payer ça, et tout de suite ! En garde ! »
_ « Et voilà ! Qu’est-ce que je disais ! » triompha Fersen. « Non mais vous me voyez affublé de ce garçon hystérique ? Grotesque, totalement grotesque ! Je refuse moi aussi cette mission ridic… »
_ « MAIS AVEZ-VOUS DONC FINI !!! »

Le hurlement du Comte de Broglie les cueillit tous deux, stoppant net ce qui menaçait de finir en bain de sang, et pas onirique celui-là. Le conseiller du Roi leur fit face, à tout deux, gagné par la tension ambiante comme témoigna son visage qui virait allègrement au rouge tomate.

_ « Mais où vous croyez-vous ! Dans une taverne ? Et puis qu’est-ce que c’est que cette histoire, d’abord ! Vous vous connaissez ? »
Oscar ricana froidement.
_ « Moi, connaître ce… »
_ « Ce quoi ? » se dressa aussitôt Fersen, la voix sourde. « Ce quoi ? Dites donc mon petit Monsieur, ce n’est pas parce que vous êtes encore dans vos langes que vous pouvez tout vous permettre ! Décidément, l’épée est encore trop bonne pour vous, une bonne fessée vous conviendrait davantage… »

Oscar crut bien qu’elle allait s’étouffer.

_ « Cette fois c’en est trop !!! Bon Dieu je vais vous casser la figure, moi, vous allez voir ! » dit-elle en se ruant sur son adversaire, poings serrés. L’instant d’après le pauvre de Broglie se retrouvait sauvagement compressé, ayant eut l’idée fabuleuse de s’interposer entre les deux protagonistes prêts à en découdre sur-le-champ.
_ « Mess…ieurs ! M…mais ar…gh…rêtez !!! » articula t-il au bord de l’apoplexie. Par égard pour ce visage virant au cramoisie, Oscar relâcha son attaque mais ne se priva pas d’envoyer à Fersen l’écume déchaînée de ses yeux d’océan, ce dernier le lui rendant bien.

Toussant, crachant pour reprendre son souffle, le Comte de Broglie les regarda d’un air proprement scandalisé.

_ « Mais êtes-vous devenus fous ? Maintenant vous allez me dire ce qui se passe ! Et dans le calme ! »

Dans le calme ?…espoir insensé !
Durant l’explication qui suivit de Broglie faillit mourir deux fois encore, s’exposant même à une tentative de strangulation au moment où Fersen traita Oscar de « lamentable petit paltoquet ». Le malheureux s’extirpa comme il put pour revenir péniblement vers son bureau, se laissa tomber dans son siège… et abattit un poing rageur sur sa table.
_ « MAINTENANT ÇA SUFFIT !!! » hurla t-il avec le peu de force qui lui restait.

Ce fut heureux, quand il découvrit la scène qui s’était figée : n’en pouvant plus Fersen avait violemment saisi la jeune fille par les pans de sa veste, tandis qu’Oscar armait déjà son poing pour l’abattre sur ce visage penché vers elle. Leurs deux têtes se tournèrent lentement vers le Comte. 
_  « Alors écoutez-moi bien, vous deux ! Je me contrefiche de vos querelles personnelles, à un point tel que vous pourriez vous entre-tuer sans même que je lève le petit doigt ! Mais sachez une chose, Messieurs : vous avez une mission à remplir, mission dont dépend la survie du Roi de France je vous le rappelle ! Alors vous allez vous débrouiller comme vous voulez, je ne veux rien savoir mais je vous ordonne de mener à bien cette enquête dans les plus brefs délais ! Et ensemble ! » Le Comte de Broglie se relava, menaçant. « Et si j’apprends que l’un de vous continue ses provocations, si pour quelques raisons que se soient vous entravez l’enquête par vos rivalités, c’est la Bastille vous entendez ! Pour tous les deux ! Me suis-je bien fait comprendre ? Maintenant asseyez-vous ! »

Une demi-heure plus tard, les deux compagnons sortaient enfin du bureau du conseiller du Roi munis de consignes simples : surveiller le plus discrètement Philippe d’Orléans, pour l’heure suspecté d’être le commanditaire de ce sombre complot. Réduite à peu de mots la tâche était loin d’être évidente cependant, l’aspect le plus épineux étant certainement pour l’un comme pour l’autre de ne pas s’étrangler mutuellement à chaque minute.

Cela n’empêcha pourtant pas Oscar de fusiller la haute silhouette de sa fureur dès qu’ils se retrouvèrent seuls.
Elle se planta, poings sur les hanches.
_ « J’espère que vous êtes content de vous ! ».

D’une élégante nonchalance Fersen se retourna vers elle, l’œil toujours aussi moqueur et condescendant.

_ « Et bien mon petit, qu’est-ce qui vous arrive encore… »
_ « Premièrement Fersen, je ne suis pas « votre petit » ! » gronda Oscar en fournissant un effort surhumain pour ne pas lui sauter à la figure. « Deuxièmement, vous allez arrêtez de vous considérer comme la huitième merveille du monde ou je vous jure que je vous étripe ! Et peu importe la Bastille, qui est un véritable Paradis comparé au fait de respirer le même air que le vôtre ! Ce que je tiens simplement à savoir, c’est si vous vous êtes bien amusé à mes dépens, hier ! »
_  « Mais de quoi parlez-vous ! » lâcha le Comte de Fersen, agacé. «  Vous êtes réellement pénible avec vos sous-entendus auxquels personne ne comprend rien, pas même vous j’en suis sûr. D’ailleurs votre susceptibilité bruyante est pénible elle aussi alors tâchez d’être clair, cela nous changera . »

Oscar serra poings et mâchoires, se demandant l’espace d’une seconde si elle allait trouver sa geôle confortable à la Bastille, car à n’en pas douter elle finirait par le tuer.

C’était sûr.
Elle poursuivit en montant le ton.

_ « Lorsque je vous ai dit mon nom hier, osez nier que vous ne saviez pas qui j’étais ! Vous avez fait semblant de l’ignorer pour me ridiculiser publiquement, alors que je suis sûr que le Comte de Broglie vous avait averti depuis fort longtemps de mon identité et du fait que nous devions travailler ensemble! Alors ? Qu’avez-vous à dire ? »

Fersen soupira, fataliste.

_ « Que votre cas est vraiment désespéré… : vous croyez que j’aurais affiché pareille surprise tout à l’heure, si j’avais été au courant ? Pour votre gouverne mon petit Monsieur, sachez que jamais ce genre d’informations ne doit circuler par écrit, c’est là un principe élémentaire. Le but d’une mission secrète est précisément de rester secrète, vous savez… » se moqua t-il. Puis tournant les talons, faussement apitoyé « Eh bien...si c’est là votre niveau de déduction, nous avons du souci à nous faire... »

Folle de rage évidemment, la jeune fille rattrapa le large pas de ce détestable individu et l’agrippa pour le forcer à lui faire face de nouveau.

_ « Non mais dites donc, vous allez arrêter avec vos airs supérieurs ? Je tiens à vous rappeler que je suis Capitaine de la Garde, et en tant que militaire c’est à moi de diriger cette opération ! Vous n’êtes qu’un civil je vous le rappelle, aussi vous allez obéir à mes ordres, un point c’est tout ! » et elle le dépassa, pour bien lui montrer que c’était elle qui commandait désormais. « Et je ne suis pas non plus votre « petit Monsieur », enfoncez-vous bien ça dans le crâne ! » ajouta t-elle sauvagement par-dessus son épaule. « Bon, vous venez Fersen ? Nous avons perdu assez de temps à cause de vous, mais tout ça va changer ! Vous allez voir, les choses ne vont pas traîner avec moi, ne serait-ce que pour avoir le plaisir céleste de me débarrasser de votre présence le plus vite possible! Vous vous moquiez de la susceptibilité des militaires ? Ha, vous ne connaissez pas encore leur ténacité apparemment ! Je vais vous montrer, moi, ce que c’est que d’être efficace, et… »


Elle continua ainsi une bonne demi-minute, jusqu’au moment où elle aperçut de curieux regards de la part des valets qui commençaient leur service matinal. Et pour cause : en se retournant Oscar se rendit compte qu’elle gesticulait dans le vide.
La jeune fille repartit en arrière, des projets de meurtres voguant de-ci de-là dans son esprit.
Elle redécouvrit le Comte presque où elle l’avait laissé, très affairé semblait-il à faire un brin de cours à une jolie soubrette qui passait par là.

_ « Bon sang Fersen, mais qu’est-ce que vous faites !! » s’écria la jeune fille, des éclairs plein la voix en marchant vers le couple.
_ « …vos yeux sont comme de petits fragments d’étoiles, où se reflète toute la profondeur de votre âme charmante… » continuait Fersen, sans se soucier le moins du monde de la tornade arrivant derrière lui.
_ « Fersen !!! »
_ « …vos lèvres aussi délicates qu’une fleur des champs ne demandant qu’à être cueillie… »
_ « FERSEN, BON DIEU !!! »
_ « Heu…Monseigneur, je crois que le Capitaine de Jarjayes voudrait vous dire quelque chose… » osa tout timidement la soubrette, qui paraissait au bord de l’évanouissement sous la caresse de cette voix ô combien sensuelle. La voix sensuelle haussa les épaules.
_ « N’y prêtez aucune attention belle enfant, c’est une habitude chez cet individu d’interrompre les gens à tort et à travers. D’ailleurs, je ne le connais pas. Bon, où en étions-nous…ah oui : vos lèvres disais-je, qu… »
_ « Oh bon sang de foutre, ça y est vous avez gagné : je vais vous casser la gueule !!! » hurla Oscar en saisissant un pan de veste pour le faire pivoter, sa rage ne connaissant plus de limite quand elle découvrit un sourire splendide, solaire, infiniment moqueur. Elle allait passer à l’action quand une voix, impérative celle-là, cloua sur place son mouvement :

_ « Capitaine de Jarjayes ! »

Avec une contrariété extrême Oscar relâcha lentement sa proie, et fit un salut crispé à l’adresse du Duc de Broglie qui contemplait la scène d’un œil sévère. Regard sous lequel la jeune fille fut bien contrainte de reprendre son calme, de faire semblant plutôt, avant de repartir avec Fersen à ses côtés cette fois.

_ « Alors ça, vous me le paierez… » mâchouilla t-elle à ce dernier pour ne pas attirer l’attention, sentant toujours le Duc les observer.
_ « J’en tremble d’avance, vous n’avez pas idée… » répliqua t-il ironiquement sur le même ton.

Quelques heures plus tard, Oscar avisait la Dauphine qu’elle se démettait temporairement de ses fonctions au profit de Girodel, sans bien sûr lui fournir les vraies raisons d’une telle décision, arguant simplement des affaires familiales à régler. Ce n’était que convenance due à l’étiquette car l’autorité suprême restait celle du Roi, la Dauphine ne devant se contenter que d’un accord de principe. Ce qu’elle fit bien entendu, sans difficulté, sa légèreté de caractère ne lui permettant jamais de soupçonner la moindre arrière-pensée chez qui que se soit, de toute façon.

Oscar apprécia à sa juste valeur ces dernières heures de « sérénité », avant de retrouver celui que désormais elle rêvait plus ou moins de faire disparaître, et dans d’atroces souffrances de préférence. La jeune fille n’arrivait clairement à savoir pourquoi mais cet individu était à ses yeux une sorte de concentré d’insolence prétentieuse lui donnant d’insupportables démangeaisons, et elle doutait beaucoup pouvoir longtemps se retenir de se gratter.

Soudain, Fersen lui apparut comme un énorme furoncle.

Soupirant discrètement à cette détestable évocation, Oscar s’inclina devant Marie-Antoinette puis se dirigea vers la porte.

_ « Capitaine… »
La jeune fille se retourna, étonnée par ce ton gourmand. La Dauphine souriait, comme sous le coup d’une vision céleste.
_ « Et ce jeune homme, Capitaine, celui qui m’a abordé hier au bal…avez-vous su qui il était ? »
_ « Quoi ! Ce furon…, ce goujat ? »
_ «  Mon Dieu, qu’il avait l’air charmant… » poursuivit la future souveraine, rêveuse. « Et quelle séduction…vous avez vu son allure, son regard ? Et sa voix Capitaine, sa voix ! Une caresse, un velours…troublante, enivrante… »

Décidément, cela commençait bien : même absent, ce détestable personnage arrivait encore à lui gâcher l’existence ! La jeune fille reprit ses airs sombres.

_ « Je n’ai rien remarqué de tout cela, Majesté » maugréa t-elle. La Dauphine s’anima à cette remarque.
_ « Comment ? Et ses yeux ! Ne me dites tout de même pas que vous n’avez pas remarqué ses yeux, d’un gris absolument époustouflant… »
_ « Non ! Majesté ! Je suis navré mais pour ma part je n’ai vu qu’un f…bon et puis peu importe ! Je suis infiniment désolé mais je dois prendre congé. Au revoir Votre Altesse ! »
Hélas pour Oscar cette dernière n’avait pas dit son dernier mot. Elle s’approcha vivement de la jeune fille, avec aux lèvres un sourire qui ne lui dit rien qui vaille.
_ « Capitaine…nous sommes entre nous… » minauda t-elle, l’œil pétillant de malice.
_ « Heu…oui, et alors ? »
_ « Et bien… ? »
Oscar la regarda, l’esprit vide, cherchant désespérément à savoir où elle voulait en venir.
_ « Allons Capitaine, » gourmanda la Dauphine, « je sais que vous êtes une femme… »
_ « Moui…et alors ? » grogna dangereusement Oscar.
_ « Oh je vous en prie, pourquoi ne pas avouer que vous l’avez trouvé follement séduisant, vous aussi !! »
_ « QUOI ?!! »
_ « Mon Dieu Capitaine, mais vous vous étouffez ! Un peu d’eau peut-être ? » 

Et voilà.
L’instant funeste était arrivé enfin, celui que devait connaître tout condamné à mort au moment de monter à l’échafaud.
En ce qui concernait Oscar, sa guillotine à elle l’attendait élégamment appuyée contre un muret situé près des écuries royales, l’accueillant comme d’habitude de son petit sourire en coin.

_ « Vous voilà enfin mon ga…oh j’oubliais, pardon. Vous détestez que l’on vous rappelle votre âge, évidemment. »

La jeune fille se contenta de hausser les épaules, et décida brusquement que le meilleur moyen de rendre cette épreuve supportable serait d’ignorer ses manières crispantes. Vœu pieu. Mais à part le tuer à un moment ou à un autre, elle n’avait pas d’autre idée pour le moment.

_ « Bon, et si nous allions manger quelque chose ! J’ai une faim de tous les diables, pas vous ? » poursuivit Fersen en se redressant, semblant d’excellente humeur pour sa part.

Elle aussi avait faim bien sûr mais alors là, pas question de l’inviter au Domaine Jarjayes pour lui faire goûter la divine cuisine de Grand-Mère ! A moins que… en y ajoutant un peu de mort au rat, peut-être…

Ils reprirent leurs chevaux, Oscar les guidant vers une petite auberge proche du Palais où André et elle avaient parfois l’habitude de venir y descendre quelques bières. L’ensemble était modeste, mais propre et bien tenu.
Il eut l’air en tout cas de convenir au Comte de Fersen qui regarda la devanture d’un œil parfaitement satisfait.
_ « Aah… « Au Perdreau Royal » ! Prometteur. » approuva t-il. Mais dès qu’ils eurent franchis la porte le jeune homme pila net, forçant Oscar qui suivait derrière à lui rentrer littéralement dedans.  « Bon sang Jarjayes, regardez !!! »

Alarmée, la jeune fille vint à ses côtés sans attendre, prête au combat en croyant voir surgir un ennemi quelconque.

_ « Quoi ! Et alors, qu’est-ce qu’il y a ! » protesta t-elle, ne voyant absolument rien si ce n’était l’animation habituelle dans ce genre d’établissement.
_ « Mais là ! Vous ne voyez pas ? Quelle déesse…»
En une seconde, Oscar sentit toute sa colère remonter d’un coup quand elle vit Fersen se diriger tous charmes dehors vers la très gironde femme du tavernier.
 
_ « Et voilà…c’est reparti. » soupira la jeune fille, entrant à son tour et prenant le Ciel à témoin de toute l’immensité de son infortune…

 

préc.           suiv.

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